Date et lieu
- 30 mai 1796 à Borghetto, près du village de Valeggio sul Mincio, à 25 kilomètres au sud-ouest de Vérone (actuellement en province de Vérone, Italie).
Forces en présence
- Armée française (27 000 à 28 000 hommes) sous le commandement du général Napoléon Bonaparte.
- Armée autrichienne (6 000 à 18 000 hommes selon les sources) sous les ordres du général Johann von Beaulieu.
Pertes
- Armée française : 500 hommes (tués ou blessés).
- Armée autrichienne : 600 soldats (tués, blessés ou prisonniers), 4 pièces de canon.
Panoramique aérien du champ de bataille de Borghetto
La bataille se tient au lieu-dit Borghetto
Les dispositions autrichiennes
Après la bataille de Lodi du 10 mai 1796, le général Johann von Beaulieu fait retraite derrière le Mincio
La zone à surveiller se développe sur trente kilomètres environ entre Peschiera [Peschiera del Garda]
Cette position pourrait assez facilement être défendue avec les hommes dont dispose Beaulieu s'il bénéficiait en outre d’une bonne ligne de retraite. Mais celle-ci se trouve en fait sur son aile droite et presque dans son prolongement. C’est là que se situe la route la plus directe vers le Tyrol [Tirol], par la vallée de l’Adige
Le général autrichien dispose pourtant en tout de 31 000 hommes environ. Mais il faut en retrancher les troupes, inutilisables, qui sont dispersées au nord de l’Italie, au-delà du lac de Garde
- l’aile droite, vers Peschiera, comprend 4 500 hommes sous le commandement du général Anton Lipthay (ou Liptay) de Kisfalud ;
- le centre, avec 6 000 soldats, est placé sous l’autorité du général Karl Philipp Sebottendorf van der Rose. Il s’appuie sur le village de Vallegio [Valeggio sul Mincio] ;
- l’aile gauche se tient autour du village de Goito. Le général Michelangelo Alessandro Colli-Marchi
Michelangelo Alessandro Colli-Marchi , qui la dirige, dispose de quelques cavaliers, renforcés de 4 500 combattants pris à la garnison de Mantoue. En tout, 5 000 soldats ; - le général Michael von Melas
Michael Friedrich Benedikt von Melas , enfin, est posté à Olioso [Oliosi], avec 4 500 hommes formant une sorte de réserve générale ; - Mantoue conserve environ 9 000 défenseurs, dont une bonne moitié cependant se charge de surveiller la Chiese et le Pô et se trouve par conséquent hors les murs.
Liptay, tout comme Colli et Sebottendorf, a placé d’inutiles avant-postes sur la rive droite (ouest) du Mincio, tandis que le général en chef a installé son quartier général à San-Giorgio, un peu en aval de Borghetto [vraisemblablement, de nos jours, un quartier de Valeggio sul Mincio].
Les dispositions prises aboutissent donc à fractionner les forces autrichiennes ce qui, selon les commentateurs compétents, n’a pas de sens dans la défense d’une petite rivière comme le Mincio.
Les opérations préliminaires françaises
Napoléon Bonaparte, fin mai, se porte sur le Mincio depuis Brescia, avec les divisions Masséna, Augereau, Sérurier et la réserve commandée par Charles Edouard Jennings de Kilmaine
Le 29 mai 1796, Kilmaine se trouve à Castiglione [Castiglione delle Stiviere]
Le 30, à deux heures du matin, les colonnes françaises s’ébranlent. Kilmaine, Sérurier et Masséna marchent sur Borghetto, où ils doivent forcer le passage :
Augereau, pour sa part, s’avance sur Monzembano [Monzambano] et Peschiera, menaçant directement la ligne de retraite des Autrichiens.
Beaulieu se tient alors à San Giorgio, mais sérieusement malade, ce qui retentit peut-être sur la conduite des opérations. Les Autrichiens s’organisent pour défendre tout le cours du Mincio, mobilisant à cet effet jusqu’à la réserve de Melas. Cette décision porte à son comble la dispersion de leurs forces puisqu’elle oblige à répartir les troupes le long de la rivière par compagnies, voire par pelotons. L’artillerie de même égrène ses canons, un par un, sur la ligne de défense. Quant aux ponts de Borghetto et Goito, si l’on y prépare des mines, on ne peut les faire sauter car il reste sur la rive droite, à l'ouest, des avant-postes à rapatrier.
L’attaque française et la retraite autrichienne
Du fait des dispositions autrichiennes, les Français, quand ils se présentent au pont de Borghetto, ne trouvent en face d’eux qu’une pièce d’artillerie et un bataillon, de surcroît privé d’une de ses compagnies pour l’avoir envoyée recueillir les avant-postes de l’autre rive. Vers sept heures du matin, tout ce petit monde est culbuté par le général Kilmaine. Les Autrichiens ont à peine le temps, en refluant sur Borghetto, de jeter à l’eau les madriers du pont pour empêcher les Français de les suivre.
Quelques cavaliers autrichiens restés sur la rive droite cherchent alors à passer le gué situé non loin de là, ce qui attire l’attention de leurs ennemis. Un groupe de grenadiers français traverse à son tour, avant de rapidement dompter la faible résistance des deux compagnies autrichiennes et de la pièce de canon qui gardent le passage. Borghetto est aussitôt évacué par les Autrichiens, et les Français rétablissent bientôt le pont.
Les Autrichiens se replient sur Valeggio. Ils y sont rejoints par l’avant-garde française mais parviennent à se dégager à la faveur de quelques belles charges de cavalerie.
La poursuite n’est d’abord pas très vive, soit par manque de troupes et nécessité de rétablir le pont, soit par souci de ne pas pousser trop vite les Autrichiens vers l’amont, afin de laisser à Augereau le temps de les devancer sur la route de Castelnovo [Castelnuovo del Garda]
Mélas, cependant, par ordre de Beaulieu, a très tôt entamé sa retraite dans cette direction et donné ordre de le rejoindre au prince Friedrich Franz Xavier von Hohenzollern-Hechingen, comte de Sigmaringen et Währingen
À droite, le général Liptay, qui a reçu dès le matin la consigne de faire retraite, s’y prépare encore quand il est attaqué par Augereau dans l’après-midi. Il réussit à repousser l’assaillant et parvient lui aussi à se retirer sur Castelnovo où il entre à la nuit tombante, en même temps que le comte Hohenzollern. Ensemble, ils continuent un peu plus tard leur route derrière Melas, passent l’Adige à Bussolengo et ne s’arrêtent qu’à Dolcè, 17 kilomètres plus au nord.
Bonaparte suit d’abord son avant-garde en direction de Castelnovo. Mais, ne voyant plus d’Autrichiens nulle part, il fait demi-tour pour rejoindre la division Masséna. Celle-ci se tient à San-Giorgio, que Beaulieu vient de quitter après avoir manqué tomber aux mains des Français.
La même mésaventure y attend le général en chef français : alors que dans son quartier général de Valeggio, le Palazzo Guarienti [au n° 27 de l'actuelle Via Antonio Murari]
Après avoir tenté une attaque sur Valeggio pour venir en aide à Beaulieu, Sebottendorf, comprenant l’inutilité de cet effort, fait retraite sur Villafranca puis Bussolengo où son infanterie passe à son tour l’Adige
Colli, informé de la situation plus tard encore que Sebottendorf, effectue lui aussi une tentative d’attaque sur Valeggio avant de renvoyer son infanterie à Mantoue. Pour sa part, il se replie avec ses cavaliers sur Villafranca puis Castelnovo. Il y arrive à la nuit et retrouve là Liptay et Hohenzollern.
Résultats
Le 3 juin suivant, Bonaparte fait avancer Masséna sur Vérone. De là, ce dernier se lance à la poursuite de Beaulieu dans la vallée de l’Adige
Du point de vue des opérations militaires, le sort de l’Italie est provisoirement scellé.
Le risque qu’il courut d’être pris au cours de cette journée donna à Napoléon Bonaparte l’idée de créer une unité spéciale chargée de sa protection personnelle. Placée sous le commandement de Jean Baptiste Bessières, cette Compagnie des guides préfigurait la Garde des Consuls puis la Garde impériale.
Carte de la bataille de Borghetto
Tableau - « La Bataille de Borghetto » par Nicolas Antoine Taunay.
La maladie de Beaulieu n’a probablement pas eu de conséquences sur l’issue du combat, car la conduite de celui-ci s’est parfaitement conformée à l’esprit du général en chef autrichien, même si le théoricien militaire prussien Carl Philipp Gottlieb von Clausewitz
Témoignages
Peschiera, 1er juin 1796.
Encore une victoire, mon père, mais celle-ci est la dernière. L’armée des Autrichiens, battue constamment depuis deux mois, a enfin évacué l’Italie; elle s’est retirée dans le Tyrol et occupe les montagnes de l’Allemagne. Le général Beaulieu occupait le lac de Garda, le Mincio, et avait sa gauche à Mantoue. Il se croyait inexpugnable dans cette position qui, effectivement, était belle à défendre, et cependant nous l’en avons chassé.
Ce dernier succès appartient de la manière la plus absolue au général Bonaparte, et il le couvre de gloire. Il est le résultat de ses manoeuvres. Il a trompé complétement l’ennemi; et, tandis qu’il s’était renforcé sur un point, nous l’avons forcé sur un autre.
Nous l’avons attaqué sur Borghetto; notre cavalerie a engagé l’affaire, et, pour la première fois, elle s’est parfaitement conduite; elle a culbuté la cavalerie ennemie, et, arrivée sur la rive droite du Mincio, notre infanterie l’a passé au gué. Elle a chassé l’ennemi de la position la plus belle et la plus formidable, et là nous nous sommes emparés du village de Valleggio. L’armée ennemie s’est trouvée coupée et séparée en deux. Une partie s’est retirée sur-le-champ dans les montagnes du Tyrol; une autre partie a passé l’Adige, et le reste s’est renfermé dans Mantoue.
Tous les princes d’Italie viennent demander grâce. Le roi de Naples tremble. Il vient d’obtenir un armistice de dix jours, après l’arrivée du plénipotentiaire à Paris, sous les conditions que les deux mille quatre cents chevaux de ses troupes qui sont joints à l’armée impériale la quitteront sur-le-champ, et viendront cantonner en arrière de notre armée (ainsi ils sont censés prisonniers); et que les vaisseaux du roi de Naples qui sont joints à la flotte anglaise se retireront sur-le-champ dans le port de Naples.
Tout nous sourit, nos triomphes sont constants, tout nous rapproche de la paix, elle est infaillible, et nous conserverons la Belgique. Assurément nous sommes bien payés de nos peines.