Date et lieu
- 10 février 1814 à Champaubert, village du sud-ouest du département de la Marne (actuellement en région Grand-Est).
Forces en présence
- Armée française (environ 6 000 hommes, dont 1 800 cavaliers) commandée par le maréchal Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont, duc de Raguse puis Napoléon.
- Armée russe (environ 4 500 hommes) commandée par le général Zakahr Dmitrievich Olsufiev.
Pertes
- Armée française : autour de 650 morts ou blessés.
- Armée russe : environ 3 000 hommes morts, blessés ou prisonniers, dont le général Olsufiev lui-même.
Panoramique aérien du champ de bataille de Champaubert
La situation générale
Après la défaite subie à La Rothière le 1er février 1814, Napoléon s'est d'abord replié sur Troyes
Constatant le manque d'initiative de cet adversaire, l'Empereur conçoit alors une vaste manoeuvre destinée à détruire l'armée de Silésie, commandée par Gebhard Leberecht von Blücher, de loin le plus dangereux et le plus entreprenant de ses ennemis.
Celui-ci, qui s'est séparé du gros des alliés, marche directement sur Paris par la vallée de la Marne avec l'intention d'y bousculer les colonnes d'Etienne Macdonald. Mais il s'efforce simultanément d'attendre les généraux Friedrich Kleist von Nollendorf
Conçue par Napoléon le 6 février au château de Ferreux-Quincey
Après avoir rallié Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont à Nogent, l'Empereur fond sur Sézanne
Ce jour là, les Alliés sont disposés comme suit :
- Johann David Ludwig Yorck von Wartenburg est à Dormans et son avant-garde à Château-Thierry ;
- plus au sud, Blücher, enfin rejoint par Kleist et Kapzewitsch, les a positionnés à Bergères-les-Vertus
Bergères-les-Vertus tandis qu'il déplace son Quartier général de VertusVue de Vertus à EtogesEtoges et pousse sa cavalerie jusqu'à MeauxMeaux ; - Zakahr Dmitrievich Olsufiev (Захар Дмитриевич Олсуфьев)
Zakahr Dmitrievich Olsufiev se tient à ChampaubertChampaubert , au croisement du chemin de Sézanne avec la route de Paris à Châlons [48.88089, 3.7758889] ; - Fabian Gottlieb von Osten-Sacken
Fabian Gottlieb von Osten-Sacken , une quinzaine de kilomètres plus à l'ouest, se trouve à Montmirail et son avant-garde à La Ferté-sous-JouarreLa Marne à La Ferté-sous-Jouarre
Ce dispositif, malgré un effort de resserrement tenté les derniers jours, reste trop éparpillé (près de 80 kilomètres séparent Blücher de sa cavalerie) pour permettre aux différents corps de se soutenir efficacement les uns les autres en cas d'attaque.
C'est qu'on ne la croit guère possible et qu'on s'imagine, au cas où elle aurait cependant lieu, disposer de tout le temps nécessaire pour y faire face. Napoléon n'était-il pas toujours à Troyes le 5 février, occupé à panser sa défaite du 1er, talonné par un adversaire beaucoup plus fort que lui ? Comment pourrait-il envisager de s'affaiblir encore en envoyant un détachement sur la Marne ?
Aussi, quelle surprise, dans la soirée du 9, quand l'avant-garde de Napoléon vient jeter le trouble dans le quartier-général prussien. Celui-ci est aussitôt replié à Vertus où Blücher apprend, le lendemain matin, par un courrier de Schwarzenberg, que l'Empereur, accompagné du plus gros de ses forces, est en route pour l'assaillir.
Blücher change aussitôt ses dispositions et ordonne à Sacken et Yorck de faire leur jonction à Montmirail le jour-même. Mais tous les deux se sont déjà mis en route pour rejoindre leurs avant-gardes respectives à Château-Thierry et La Ferté-sous-Jouarre. Prévenus trop tard, ils ne pourront être au rendez-vous. De son côté, Blücher lui-même marche droit sur le contingent qui lui fait face et le poursuit en direction de la Fère-Champenoise
Mais tous ces calculs portent à faux, Napoléon ayant déjà attaqué Olsufiev à Champaubert
Le combat
Les forces du général russe sont concentrées autour des villages de Champaubert
Les troupes de Marmont arrivent par le sud, traversent le Petit-Morin
Le général russe envoie 6 de ses 24 canons et quatre régiments reprendre le pont. Mais il est déjà trop tard. Tout le corps de Marmont a traversé et a pris ses positions autour de la route qui mène à Champaubert par Baye.
Les régiments russes sont contraints de se replier vers Baye, où ils occupent les bois
Le combat demeure indécis durant toute la matinée, jusqu'à l'arrivée du maréchal Michel Ney et de Napoléon, vers midi, à la tête de deux divisions supplémentaires. L'artillerie se met en batterie devant Bannay tandis que Marmont attaque le village de Baye, qui est pris vers 13 heures 30.
Le général Olsufiev ne sait alors ni se retirer devant des forces supérieures aux siennes, ni avertir son général en chef qu'il est contraint de livrer bataille. Il se prive ainsi du soutien que Kleist et Kapzewitsch, qui ne sont pas si loin, auraient peut-être pu lui apporter.
Cette attitude est d'autant plus surprenante que son infériorité numérique se trouve aggravée par le défaut de toute cavalerie, celle-ci ayant été jugée par ses chefs plus utile à l'avant-garde. Le combat s'annonce perdu d'avance. Olsufiev, contre l'avis de ses généraux, décide néanmoins de tenir la position.
Les troupes russes s'organisent alors sur une très longue ligne qui va du bois de Baye à droite (ouest) jusqu'au bois de Malet
Malgré la largeur du front, les Français tentent et réussissent à le déborder des deux côtés : à droite (est) en passant par le bois de la Potence
L'Empereur envoie alors sa cavalerie, à laquelle le terrain est propice, tourner l'ennemi par Fromentières
Cette fois, Olsufiev décide de battre en retraite. Il veut d'abord le faire en direction d'Etoges, à l'est, mais il trouve la route coupée par les Français. Il fait alors demi-tour en direction de Montmirail mais se heurte aux cavaliers envoyés sur Fromentières un peu plus tôt par l'Empereur. Ses troupes sont dispersées et s'enfuient vers le nord, partie en direction de La Caure
Seule la brigade occupant Champaubert tient encore le terrain. Elle est bientôt assaillie par les Français. Les combats, au corps à corps, sont furieux. Les Russes défendent chaque maison
Alors que la nuit tombe, les fuyards qui ont d'abord marché vers le nord en direction d'Epernay
Les suites
Cette victoire redonne aussitôt à Napoléon une confiance exagérée. Il y voit un changement brillant dans sa position, la preuve que son Étoile s'est remise à briller dans tout son éclat. Conséquence immédiate, il envoie au général Armand de Caulaincourt, en pleines négociations de paix avec les Alliés, l'ordre d'adopter une attitude moins accommodante.
Carte de la bataille de Champaubert
Tableau - "L'Empereur Napoléon au soir de la bataille de Champaubert le 10 février 1814". Peint par Nicolas-Toussaint Charlet.
Le soir même, Napoléon invita le général Olsufiev et son état-major à sa table dans la Maison bleue ou maison au boulet
Face à la Maison bleue, une colonne
L'obstination d'Olsufiev à refuser toute retraite est peut-être la conséquence des sévères observations que Blücher lui avait adressées après les batailles de Brienne et de La Rothière.
Témoignages
Bulletin du 12 février 1814
A Sa Majesté l'Impératrice-reine et régente.
Le 10, l'empereur avait son quartier-général à Sézanne.
Le duc de Tarente était à Meaux, ayant fait couper les ponts de la Ferté et de Tréport.
Le général Sacken et le général Yorck étaient à la Ferté ; le général Blücher à Vertus, et le général Alsuffiew à Champ-Aubert. L'armée de Silésie ne se trouvait plus qu'à trois marches de Paris. Cette armée, sous le commandement en chef du général Blücher, se composait des corps de Sacken et de Langeron, formant soixante régimens d'infanterie russe, et de l'élite de l'armée prussienne.
Le 10, à la pointe du jour, l'empereur se porta sur les hauteurs de Saint-Prix, pour couper en deux l'armée du général Blücher. A dix heures, le duc de Raguse passa les étangs de Saint-Gond, et attaqua le village de Baye. Le neuvième corps russe, sous le commandement du général Alsuffiew, et fort de douze régimens, se déploya et présenta une batterie de vingt-quatre pièces de canon. Les divisions Lagrange et Ricart, avec la cavalerie du premier corps, tournèrent les positions de l'ennemi par sa droite. A une heure après-midi, nous fûmes maîtres du village de Baye.
A deux heures, la garde impériale se déploya dans les belles plaines qui sont entre Baye et Champ-Aubert. L'ennemi se reployait et exécutait sa retraite. L'empereur ordonna au général Girardin de prendre, avec deux escadrons de la garde de service, la tête du premier corps de cavalerie, et de tourner l'ennemi, afin de lui couper le chemin de Châlons. L'ennemi, qui s'aperçut de ce mouvement, se mit en désordre. Le duc de Raguse fit enlever le village de Champ-Aubert. Au même instant, les cuirassiers chargèrent à la droite, et acculèrent les Russes à un bois et à un lac entre la route d'Épernay et celle de Châlons. L'ennemi avait peu de cavalerie; se voyant sans retraite, ses masses se mêlèrent. Artillerie, infanterie, cavalerie, tout s'enfuit pêle-mêle dans les bois; deux mille se noyèrent dans le lac. Trente pièces de canon et deux cents voitures furent prises. Le général en chef, les généraux, les colonels, plus de cent officiers et quatre cents hommes furent faits prisonniers.
Ce corps de deux divisions et douze régimens devait présenter une force de dix-huit mille hommes: mais les maladies, les longues marches, les combats, l'avaient réduit à huit mille hommes: quinze cents à peine sont parvenus à s'échapper à la faveur des bois et de l'obscurité. Le général Blücher était resté à son quartier-général des Vertus, où il a été témoin des désastres de cette partie de son armée sans pouvoir y porter remède.
Aucun homme de la garde n'a été engagé, à l'exception de deux des quatre escadrons de service, qui se sont vaillamment comportés. Les cuirassiers du premier corps de cavalerie ont montré la plus rare intrépidité.
A huit heures du soir, le général Nansouty ayant débouché sur la chaussée, se porta sur Montmirail avec les divisions de cavalerie de la garde des généraux Colbert et Laferrière, s'empara de la ville et de six cents cosaques qui l'occupaient.
Le 11, à cinq heures du matin, la division de cavalerie du général Guyot se porta également sur Montmirail. Différentes divisions d'infanterie furent retardées dans leur mouvement par la nécessité d'attendre leur artillerie. Les chemins de Sézanne à Champ-Aubert sont affreux. Notre artillerie n'a pu s'en tirer que par la constance des canonnières et qu'au moyen des secours fournis avec empressement par les habitans, qui ont amené leurs chevaux.
Le combat de Champ-Aubert, où une partie de l'armée russe a été détruite, ne nous a pas conté plus de deux cents hommes tués ou blessés. Le général de division comte Lagrange est du nombre de ces derniers; il a été légèrement blessé à la tête. [...]